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l’accident de quelque fiévre chaude qu’il a essuyée. Tu vois bien que nous-nous raillons d’eux en leur absence, & que nous connoissons leur fourberie ; tu sçais encore qu’ils sont comme des insensez dans leurs actions comme dans leurs paroles, qu’ils ne vont ni à la chasse ni à la guerre. Pourquoy brûlerions-nous les pauvres gens qui parmi vous ont le même malheur ?

Lahontan.

Il y a bien de la diférence de nos Jongleurs aux vôtres ; car ceux parmi nous qui le sont parlent avec le méchant Esprit, font des festins avec luy, toutes les nuits ; ils empêchent un mari de caresser sa femme par leurs sortileges ; ils corrompent aussi les filles sages & vertueuses par un charme qu’ils métent dans ce qu’elles doivent boire ou manger. Ils empoisonnent les Bestiaux, ils font périr les biens de la Terre, mourir les hommes en langueur, blesser les femmes grosses ; & cent autres maux que je ne te raconte pas. Ces gens-là s’appellent Enchanteurs & Sorciers, mais il y en d’autres encore plus méchans ; ce sont les Magiciens. Ils ont des conversations familiéres avec le méchant Esprit, ils le font voir à ceux qui en ont la curiosité sous telle figure qu’ils veulent. Ils ont des secrets pour faire gagner au jeu & enrichir ceux à qui ils les donnent. Ils devinent ce qui doit arriver ; ils ont le pouvoir de se métamorphoser en toutes sortes d’Animaux, & de figures les plus horribles ; ils vont en cer-