Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qu’ils peuvent pour nous guérir. Il faut bien que les Vieillards & les gens usez finissent. Néanmoins quoique nous ayons tous affaire de ces Docteurs, s’il estoit prouvé qu’ils eussent fait mourir quelqu’un par ignorance, ou par malice, les Loix ne les épargneroient pas plus que les autres, & les condamneroient à des prisons perpétuelles &, peut-être, à quelque chose de pis.

Adario.

Il faudroit bien des prisons si ces Loix étoient observées ; mais je vois bien que tu ne dis pas tout, & que tu serois fâché de pousser la chose plus loin, de peur de trouver mes raisons sans replique. Venons maintenant à ces deux hommes qui se sauvérent l’année passée à Quebec pour n’être pas brulés en France, & disons, en examinant le crime dont on les accuse, qu’il y a de bien sottes Loix en Europe. Hé bien ces deux François sont des prétendus Magiciens Jongleurs, on les accuse d’avoir jonglé, quel mal ont-ils fait ? Ces pauvres gens ont peut-être eû quelque maladie, qui leur a laissé cette folie, comme il arrive parmi nous. Di-moi un peu, je te prie, quel mal font nos Jongleurs ? Ils s’enferment seuls dans une petite Cabane lorsqu’on leur recommande quelque malade, ils y chantent, ils crient, ils dancent, ils disent cent extravagances ; ensuite ils font connoître aux Parens du malade qu’il faut faire un festin pour consoler le malade, soit de viande, soit de poisson, selon le goût de ce Jongleur, qui n’est qu’un Médecin imaginaire, dont l’esprit est troublé par