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France qui ne sont point sujettes aux belles Loix des François. En vérité, il y a bien de l’aveuglement dans l’esprit de ceux qui nous connoissent, & ne nous imitent pas.

Lahontan.

Tout beau, mon cher Ami, tu vas trop vite, croi moi, tes connoissances sont si bornées, comme je t’ay déja dit, que la portée de ton esprit n’envisage que l’apparence des choses. Si tu voulois entendre raison, tu concevrois d’abord que nous n’agissons que sur de bons principes, pour le maintien de la Société. Il faut que tu sçaches que les loix condamnent les gens qui tombent dans les cas que tu viens de citer, sans en excepter aucun. Premiérement les Loix défendent aux Païsans de tuer ni liévres ni perdrix, sur tout aux environs de Paris ; parce qu’ils en dépeupleroient le Royaume, s’il leur étoit permis de chasser. Ces gens-là ont recû de leurs Seigneurs les terres dont ils joüissent, & ceux-ci se sont réservé la chasse, comme leurs Maitres. Les païsans leur font un vol, & contreviennent en même-temps à la défence établie par les Loix. De même ceux qui transportent du sel, parce que c’est un droit qui appartient directement au Roi. A l’égard des Femmes & des Joüeurs, dont tu viens de parler, il faut que tu croyes qu’on les renferme dans des prisons & dans des Couvens, d’où ni les uns ni les autres ne sortent jamais. Pour ce qui est des Médecins, il ne seroit pas juste de les maltraiter, car de cent malades il n’en tuent pas deux, ils font