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Ami & cet argent parlent pour sa partie, aux Juges, qui doivent décider l’afaire. Il en est de même pour les gens accusez de crime. Ha ! vive les Hurons, qui sans Loix, sans prisons, & sans tortures, passent la vie dans la douceur, dans la tranquillité, & joüissent d’un bonheur inconnu aux François. Nous vivons simplement sous les Loix de l’instinct, & de la conduite innocente que la Nature sage nous a imprimée dés le berceau. Nous sommes tous d’acord, & conformes en volontez, opinions & sentimens. Ainsi, nous passons la vie dans une si parfaite intelligence, qu’on ne voit parmi nous ni procez, ni dispute, ni chicanes. Ha ! malheureux, que vous estes à plaindre d’estre exposés à des Loix auxquelles vos Juges ignorans, injustes & vicieux contreviennent autant par leur conduite particuliere qu’en l’administration de leurs Charges. Ce sont-là ces équitables Juges qui manquent de droiture, qui ne raportent leur Emploi qu’à leurs interêts, qui n’ont en veüe que de s’enrichir, qui ne sont accessibles qu’au démon de l’argent, qui n’administrent la justice que par un principe d’avarice, ou par passion, qui autorisant le crime exterminent la justice & la bonne foy, pour donner cours à la tromperie, à la chicane, à la longueur des procez, à l’abus & à la violation des sermens, & à une infinité d’autres désordres. Voilà ce que sont ces grands Souteneurs des belles Loix de la Nation Françoise.

Lahontan.

Je t’ay déja dit qu’il ne faut pas croire