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les Juges le comdamnent à mort : A l’égard de la torture, elle ne se donne que quand il ne se trouve qu’un seul témoin, parce qu’il ne sufit pas, les Loix voulant que deux hommes soient une preuve sufisante, & qu’un seul homme soit une demi preuve ; mais il faut que tu remarques que les Juges prénent toute la précaution imaginable, de peur de rendre d’injustes jugemens.

Adario.

Je suis aussi sçavant que je l’estois ; car au bout du conte, deux faux Témoins s’entendent bien, avant que de se présenter, & la torture ne se donne pas moins par la déclaration d’un scelerat que par celle d’un honnête homme, qui, selon moy, cesseroit de l’être par son témoignage, quoiqu’il eut veu le crime. Ah ! les bonnes gens que les François, qui, bien loin de se sauver la vie les uns aux autres comme fréres, le pouvant faire, ne le font pas. Mais, di-moy, que pense-tu de ces Juges ? Est-il vray qu’il y en ait de si ignorans comme on dit, & d’autres si méchans, que pour un Ami, pour une Courtisane, pour un grand Seigneur, ou pour de l’argent, ils jugent injustement contre leurs consciences ? Je te voi déja prêt de dire que cela est faux ; que les Loix sont des choses justes & raisonables. Cependant je sçay que cela est aussi vray que nous sommes ici. Car celui qui a raison de demander son bien à un autre qui le posséde injustement, fait voir clair comme le jour la vérité de la cause, n’atrape rien du tout, si ce Seigneur, cette Courtisane, cet