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Adario.

A te parler franchement, mon cher Frére, je n’ay pû concevoir quasi rien de ce qu’il m’a dit, & je suis fort trompé s’il l’a compris luy même. Il m’a dit cent fois les mêmes choses dans ma Cabane, & tu as bien pû remarquer que je luy répondis vint fois hier, que j’avois déja entendu ses raisonnements à diverses reprises. Ce que je trouve encore de ridicule c’est qu’il me persécute à tout moment de les expliquer mot pour mot au gens de ma Nation, parce que, dit-il, ayant de l’esprit, je puis trouver des termes assez expressifs dans ma Langue, pour rendre le sens de ses paroles plus intelligible que luy, à qui le langage Huron n’est pas assez bien connu. Tu as bien veu que je luy ay dit qu’il pouvoit baptizer tous les enfans qu’il voudroit, quoi qu’il n’ait sçeu me faire entendre ce que c’est que le bâtême. Qu’il fasse tout ce qu’il voudra dans mon Village, qu’il y fasse des Chrétiens, qu’il prêche, qu’il bâtize, je ne l’en empêche pas. C’est assez parler de Religion ; venons à ce que vous appellez les Loix ; c’est un mot comme tu sçais que nous ignorons dans nostre langue ; mais j’en connois la force & l’expression, par l’explication que tu me donnas l’autre jour ; avec les exemples que tu ajoûtas pour me le faire mieux concevoir. Di-moy, je te prie, les Loix n’est-ce pas dire les choses justes & raisonnables ? Tu dis qu’oüy ; & bien, observer les Loix c’est donc observer les choses justes & raisonnables. Si cela est, il faut que vous preniez ces choses justes & raisonnables dans un autre sens que