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res, pour corriger nos défauts & suivre nostre exemple. Ainsi, mon Frére, croi tout ce que tu voudras, aïe tant de foy qu’il te plaira, tu n’iras jamais dans le bon pais des Ames si tu ne te fais Huron. L’innocence de nôtre vie, l’amour que nous avons pour nos fréres, la tranquillité d’ame dont nous jouissons par le mépris de l’intérest, sont trois choses que le grand Esprit exige de tous les hommes en général. Nous les pratiquons naturellement dans nos Villages, pendant que les Européans se déchirent, se volent, se diffament, se tuent dans leurs Villes, eux qui voulant aller au pais des Ames ne songent jamais à leur Créateur, que lors qu’ils en parlent avec les Hurons. Adieu, mon cher Frére, il se fait tard ; je me retire dans ma Cabane pour songer à tout ce que tu m’as dit, afin que je m’en ressouvienne demain, lorsque nous raisonnerons avec le Jésuite.


DES LOIX.

Lahontan.

Et bien, mon Ami, tu as entendu le Jésuite, il t’a parlé clair, il t’a bien mieux expliqué les choses que moy. Tu vois bien qu’il y a de la diférence de ses raisonemens aux miens. Nous autres gens de guerre ne sçavons que superficiellement notre réligion, qui est pourtant une science que nous devrions sçavoir le mieux : mais les Jésuites la possédent à tel point, qu’ils ne manquent jamais de convaincre les Peuples de la Terre les plus incrédules & les plus obstinez.