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Adario.

La diférence que je trouve entre vôtre créance, & celle des Anglois, embarasse si fort mon esprit, que plus je cherche à m’éclaircir & moins je trouve de lumiéres. Vous feriez mieux de dire tous tant que vous étes, que le grand Esprit a donné des lumiéres sufisantes à tous les hommes, pour conoître ce qu’ils doivent croire & ce qu’il doivent faire, sans se tromper. Car j’ay ouï dire que parmi chacune de ces Religions diférentes, il s’y trouve un nombre de gens de diverses opinions ; comme, par exemple, dans la vôtre chaque Ordre Religieux soutient certains points diférents des autres, & se conduit aussi diversement en ses Instituts qu’en ses habits, cela me fait croire qu’en Europe chacun se fait une religion à sa mode, diférente de celle dont il fait profession extérieure. Pour moy, je croy que les hommes sont dans l’impuissance de conoître ce que le grand Esprit demande d’eux, & je ne puis n’empêcher de croire que ce grand Esprit estant aussi juste & aussi bon qu’il l’est, sa justice ait pû rendre le salut des hommes si difficile, qu’ils seront tous damnés hors de vostre religion, & que même peu de ceux qui la professent iront dans ce grand paradis. Croi-moy les affaires de l’autre monde sont bien diférentes de celles-ci. Peu de gens sçavent ce qui s’y passe. Ce que nous sçavons c’est que nous autres Hurons ne sommes pas les auteurs de notre création ; que le grand Esprit nous a fait honnêtes gens, en vous faisant des scelerats qu’il envoye sur nos Ter-