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Adario.

Nous parlerons une autre fois de ce grand obstacle que tu trouves à nôtre salut, avec plus d’attention ; cependant je me contenterai de te donner une seule raison sur l’un de ces deux points, c’est de la liberté des Filles & des Garçons. Premiérement un jeune Guerrier ne veut point s’engager à prendre une femme qu’il n’ait fait quelque Campagne contre les Iroquois, pris des esclaves pour le servir à son village, à la chasse, & à la pêche, & qu’il ne sçache parfaitement bien chasser & pêcher ; d’ailleurs, il ne veut pas s’énerver par le fréquent exercice de l’acte vénérien, dans le temps que la force luy permet de servir sa Nation contre ses Ennemis : outre qu’il ne veut pas exposer une femme & des enfans à la douleur de le voir tué ou pris. Or, comme il est impossible qu’un jeune homme puisse se contenir totalement sur cette matiére, il ne faut pas trouver mauvais que les Garçons une ou deux fois le mois, cherchent la compagnie des Filles, & que ces Filles soufrent celle des Garçons ; sans cela, nos jeunes gens en seroient extrémement incommodés, comme l’exemple l’a fait voir envers plusieurs, qui, pour mieux courir, avoient gardé la continence ; & d’ailleurs nos Filles auroient la bassesse de se donner à nos Esclaves.

Lahontan.

Croi-moy, mon cher Ami, Dieu ne se paye pas de ces raisons-là, il veut qu’on se marie, ou qu’on n’ait aucun commerce avec le Séxe. Car pour une seule pensée amoureuse, un seul desir, une simple volonté de