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blesse de l’Homme qui est tenté par tant d’attraits violens si fréquemment qu’il est obligé de succomber ; & qu’enfin ce Monde estant le lieu de la corruption, il n’y aura de la pureté dans l’homme corrompu si ce n’est dans le Païs de Dieu. Voilà une Morale moins rigide que celle des Jésuites ; les quels nous envoyent en enfer pour une bagatéle. Ces François ont raison de dire qu’il est impossible d’observer cette Loi, pendant que le Tien & le Mien subsistera parmi vous autres. C’est un fait aisé à prouver par l’exemple de tous les Sauvages de Canada ; puisque malgré leur pauvreté ils sont plus riches que vous, à qui le Tien & le Mien fait commettre toutes sortes de Crimes.

Lahontan.

J’avoüe, mon cher Frére, que tu as raison, & je ne sçaurois me lasser d’admirer l’innocence de tous les Peuples sauvages. C’est ce qui fait que je souhaiterois de tout mon cœur qu’ils connussent la sainteté de nos Ecritures, c’est à dire cet Evangile dont nous avons tant parlé ; il ne leur manqueroit autre chose que cela pour rendre leurs ames éternellement bienheureuses. Vous vivés tous si moralement bien que vous n’auriez qu’une seule difficulté à surmonter pour aller en paradis. C’est la fornication parmi les gens libres de l’un & de l’autre Séxe, & la liberté qu’ont les hommes & les femmes de rompre leurs mariages, pour changer reciproquement, & s’accommoder au choix de nouvelles Personnes. Car le grand Esprit a dit que la mort ou l’adultére pouvoient seuls rompre ce lien indissoluble.