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sans les Véritez Divines, & faisans profession de les croire, agissent tout au contraire de ce que la Foy & la Religion ordonnent. Je ne sçaurois nier la contradiction que tu as remarquée. Mais il faut considérer que les hommes péchent quelquefois contre les lumiéres de leur conscience, & qu’il y a des gens bien instruits qui vivent mal. Cela peut arriver ou par le défaut d’attention, ou par la force de leurs passions, par leurs attachemens aux interests temporels : l’homme corrompu comme il est, est emporté vers le mal par tant d’endroits, & par un penchant si fort, qu’à moins de nécessité absolue, il est difficile qu’il y renonce.

Adario.

Quand tu parles de l’homme, di l’homme François ; car tu sçais bien que ces passions, cet intérêt, & cette corruption, dont tu parles, ne sont pas connues chez nous. Or ce n’est pas là ce que je veux dire : écoute mon Frére, j’ay parlé trés souvent à des François sur tous les vices qui régnent parmi eux, & quand je leur ai fait voir qu’ils n’observoient nullement les loix de leur Religion ; ils m’ont avoüé qu’il étoit vray, qu’ils le voïoient & qu’ils le conoissoient parfaitement bien, mais qu’il leur étoit impossible de les observer. Je leur ay demandé s’ils ne croyoient pas que leurs ames brûleroient éternellement : ils m’ont répondu que la miséricorde de Dieu est si grande, que quiconque a de la confiance en sa bonté, sera pardonné ; que l’Evangile est une Alliance de grace dans la quelle Dieu s’accommode à l’état & à la foi-