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Coussins, de peur de gâter leurs bas, & leurs jupes, elles s’asséïent sur leurs talons, elles tirent un Livre d’un grand sac, elles le tiennent ouvert en regardant plûtôt les Hommes qui leur plaisent, que les priéres qui sont dedans. La plûpart des François y prenent du tabac en poudre, y parlent, y rient & chantent plutôt par divertissement que par devotion. Et qui pis est, je sçai que pendant le temps de cette priére plusieurs Femmes & filles en profitent pour leurs galanteries, demeurant seules dans leurs maisons. A l’égard de vostre jeûne, il est plaisant. Vous mangez de toute sorte de poisson à crever, des œufs, & mille autres choses, & vous apellez cela jeuner ? Enfin, Mon cher Frére, vous autres François prétendez tous tant que vous étes avoir de la foy, & vous étés des incrédules ; vous voulez passer pour sages, & vous étes foux, vous-vous croyez des gens d’esprit, & vous étes de présomptueux ignorans.

Lahontan.

Cette Conclusion, mon cher Ami, est un peu Hurone, en décidant de tous les François en général ; si cela estoit, aucun deux n’iroit en paradis ; or nous sçavons qu’il y a des millions de bienheureux que nous apellons des Saints, & dont tu vois les Images dans nos Eglises. Il est bien vray que peu de François ont cette véritable foy, qui est l’unique principe de la piété ; plusieurs font profession de croire les véritez de nostre Religion, mais cette créance n’est ni assez forte, ni assez vive en eux. J’avoue que la plûpart conois-