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VI. Ne dire du mal de ses fréres, ni mentir ; sont des choses dont vous-vous abstiendriez moins que de boire & de manger, je n’ay jamais oüi parler quatre François ensemble sans dire du mal de quelqu’un, & si tu sçavois ce que j’ay entendu publier du Viceroy, de l’Intendant, des Jésuites, & de mille gens que tu connois, & peut-être de toy même, tu verrois bien que les François se sçavent déchirer de la belle maniére. Pour mentir, je soûtiens qu’il n’y a pas un Marchand icy qui ne dise vingt menteries pour nous vendre la valeur d’un Castor de marchandise, sans conter celles qu’ils disent pour difamer leurs camarades. VII. Ne point toucher aux femmes mariées, il ne faut que vous entendre parler quand vous avez un peu bû, on peut aprendre sur cette matiére bien des histoires, on n’a qu’à compter les enfans que les femmes des Coureurs de bois sçavent faire pendant l’absence de leurs Maris. VIII. Ne point prendre le bien d’autrui : Combien de vols n’as-tu pas veu faire depuis que tu és ici entre les Coureurs de bois qui y sont ? N’en a t-on pas pris sur le fait, n’en a t-on pas châtié ? N’est-ce pas une chose ordinaire dans vos Villes, peut-on marcher la nuit en surété, ni laisser ses portes ouvertes ? IX. Aller à vostre Messe pour prêter l’oreille aux paroles d’une langue qu’on n’entend pas ; il est vray que le plus souvent les François y vont, mais c’est pour y songer à toute autre chose qu’à la priére. A Quebec les Hommes y vont pour voir les Femmes, & celles-ci pour voir les Hommes : J’en ay veu qui se font porter des