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mitation de tant de gens élevés dans la même créance, ils les ont tellement imprimées dans l’imagination, que la raison n’a plus la force d’agir sur leurs esprits déja prévenus de la vérité de ces Evangiles ; il n’est rien de si raisonnable à des gens sans préjugés, comme sont les Hurons, d’examiner les choses de prés. Or, aprés avoir fait bien des réflexions, depuis dix Années, sur ce que les Jésuites nous disent de la vie & de la mort du Fils du grand Esprit, tous mes Hurons te donneront vint raisons qui prouveront le contraire : pour moy, j’ai toûjours soûtenu que, s’il étoit possible qu’il eût eu la bassesse de décendre sur terre, il se feroit manifesté à tous les Peuples qui l’habitent. Il seroit décendu en triomphe avec éclat & Majesté, à la veüe de quantité de gens. Il auroit ressuscité les morts, rendu la veüe aux aveugles, fait marcher les boîteux, guéri les malades par toute la terre ; enfin, il auroit parlé, & commandé ce qu’il vouloit qu’on fît ; il seroit allé de Nation en Nation faire ces grands miracles pour donner la même Loy à tout le monde ; alors nous n’aurions tous qu’une même Religion, & cette grande uniformité qui se trouveroit par tout, prouveroit à nos Décendans d’ici à dix mille ans, la verité de cette Réligion connue aux quatre coins de la Terre, dans une même égalité : au lieu qu’il s’en trouve plus de cinq ou six cens diférentes les unes des autres, parmi lesquelles celle des François est l’unique, qui soit bonne, sainte & véritable, suivant ton raisonement. Enfin, aprés avoir songé mille fois