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Mais enfin les Jésuites veulent penétrer dans les secrets de Dieu, & prétendre ce qu’il n’a pas prétendu luy même ; puis qu’il n’a pas établi cette condition. Il en est de même que si le grand Capitaine des François faisoit dire par son Viceroy, qu’il veut que tous les Esclaves de Canada passassent véritablement en France, où ils les feroit tous riches, & qu’alors les Esclaves réspondissent qu’ils ne veulent pas y aller, parce que ce grand Capitaine ne peut le vouloir qu’à condition qu’ils le voudront. N’est il pas vray, mon Frere, qu’on se moqueroit d’eux, & qu’ils seroient ensuite obligez de passer en France malgré leur volonté : tu n’ozerois me dire le contraire. Enfin ces mêmes Jésuites m’ont expliqué tant d’autres paroles qui se contredisent, que je m’étonne aprés cela qu’on puisse les apeller Ecritures Saintes. Il est écrit que le premier Homme que le grand Esprit fit de sa propre main, mangea d’un fruit défendu, dont il fut châtié luy & sa Femme, pour estre aussi criminels l’un que l’autre. Suposons donc que pour une pomme leur punition ait esté comme tu voudras ; ils ne devoient se plaindre que de ce que le grand Esprit sçachant qu’ils la mangeroient, il les eût créez pour estre malheureux. Venons à leurs enfans qui, selon les Jesuites, sont envelopés dans cette déroute. Est-ce qu’ils sont coupables de la gourmandise de leur Pére & de leur Mére ? Est-ce que si un Homme tuoit un de vos Rois, on puniroit aussi toute sa Génération, péres, méres, oncles, cousins, sœurs, fréres & tous ses autres parens ? Sup-