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qu’étant au ciel, il ne sçauroit estre corporellement sur la terre ; que les autres paroles qu’il a dit ensuite (& dont la discussion seroit trop étendue pour toy), les persuadent que ce Dieu n’est que spirituellement dans ce pain. Voilà toute la diférence qu’il y a d’eux à nous. Car pour les autres points ce sont des vetilles, dont nous-nous accorderions facilement.

Adario.

Tu vois donc bien qu’il y a de la contradiction ou de l’obscurité dans les paroles du Fils du grand Esprit, puisque les Anglois, & vous autres en disputés le sens avec tant de chaleur & d’animosité, & que c’est le principal motif de la haine, qu’on remarque entre vos deux Nations. Mais ce n’est pas ce que je veux dire. Ecoute, mon Frére, il faut que les uns & les autres soient fous de croire l’incarnation d’un Dieu, voyant l’ambiguité de ces discours dont vôtre Evangile fait mention. Il y a cinquante choses équivoques qui sont trop grossiéres, pour estre sorties de la bouche d’un Etre aussi parfait. Les Jésuites nous assûrent que ce Fils, du grand Esprit a dit qu’il veut véritablement que tous les Hommes soient sauvés ; or s’il le veut il faut que cela soit ; cependant ils ne le sont pas tous, puis qu’il a dit que beaucoup estoient apellés &, peu éleus. C’est une contradiction. Ces Péres répondent que Dieu ne veut sauver les Hommes qu’à condition qu’ils le veuillent eux-mêmes. Cependant Dieu n’a pas ajoûté cette clause, parce qu’il n’auroit pas alors parlé en Maitre.