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& divine Réligion parmi tant d’autres diférentes ? Croi-moy, mon cher Frére, le grand Esprit est sage, tous ses ouvrages sont acomplis, c’est lui qui nous a faits, il sçait bien ce que nous deviendrons. C’est à nous d’agir librement, sans embarrasser notre esprit des choses futures. Il t’a fait naître François, afin que tu crusses ce que tu ne vois ni ne conçois ; & il m’a fait naître Huron, afin que je ne crusse que ce que j’entens, & ce que la Raison m’enseigne.

Lahontan.

La Raison t’enseigne à te faire Chrestien ; & tu ne le veux pas être ; tu entendrois, si tu voulois, les verités de nôtre Evangile, tout s’y suit ; rien ne s’y contredit. Les Anglois sont Chrestiens, comme les François ; & s’il y a de la diférence entre ces deux Nations, au sujet de la Religion, ce n’est que par raport à certains passages de l’Ecriture sainte qu’elles expliquent diféremment. Le premier & principal point qui cause tant de disputes, est que les François croient que le Fils de Dieu ayant dit que son corps estoit dans un morceau de pain, il faut croire que cela est vray, puis qu’il ne sçauroit mentir. Il dit donc à ses Apôtres qu’ils le mangeassent & que ce pain estoit véritablement son corps ; qu’ils fissent incessamment cette Cérémonie en comémoration de luy. Ils n’y ont pas manqué ; car depuis la mort de ce Dieu fait homme, on fait tous les jours le sacrifice de la Messe, parmi les François, qui ne doutent point de la présence réelle du Fils de Dieu dans ce morceau de pain. Or les Anglois prétendent