Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses Saintes, dont cent Auteurs diférens ont écrit sans se contredire.

Adario.

Comment sans se contredire ! Hé quoy ce Livre des choses saintes n’est-il pas plein de contradictions ? Ces Evangiles, dont les Jésuites nous parlent, ne causent ils pas un désordre épouvantable entre les François & les Anglois ? Cependant tout ce qu’ils contiennent vient de la bouche du grand Esprit, si l’on vous en croit. Or, quelle apparence y a-t’il qu’il eût parlé confusément, & qu’il eût donné à ses paroles un sens ambigu, s’il avoit eû envie qu’on l’entendît ? De deux choses l’une, s’il est né & mort sur la terre, & qu’il ait harangué, il faut que ses discours ayent esté perdus, parce qu’il auroit parlé si clairement que les Enfans auroient pû concevoir ce qu’il eût dit ; ou bien si vous croyés que les Evangiles sont veritablement ses paroles, & qu’il n’y ait rien que du sien, il faut qu’il soit venu porter la guerre dans ce monde au lieu de la paix ; ce qui ne sçauroit estre.

Les Anglois m’ont dit que leurs Evangiles contiennent les mêmes paroles que ceux des François, il y a pourtant plus de diférence de leur Réligion à la vôtre, que de la nuit au jour. Ils assûrent que la leur est la meilleure ; les Jésuites prêchent le contraire, & disent que celles des Anglois & de mille autres Peuples, ne valent rien. Qui dois-je croire, s’il n’y a qu’une seule véritable religion sur la terre ? Qui sont les gens qui n’estiment pas la leur la plus parfaite ? Comment l’homme peut-il estre assés habile pour discerner cette unique