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la Chambre de sa Femme, qui s’étant tenue debout pour recevoir nos revérences, s’assit sur son Sofa, pendant qu’on nous donnoit des chaises. Je luy dis que j’étois fort obligé à son Mari de m’avoir procuré l’honeur de la saluer ; elle me répondit qu’il me regardoit comme Espagnol, & comme Ami ; ensuite ayant pris le Chocolat, elle me demanda si je le trouvois bon, & si les Dames de France n’en prenoient pas. La conversation ne dura qu’un demi quart d’heure, car comme je craignois de pécher contre les formalitez Espagnoles, je me levai, je la saluai, & je sortis de la Chambre avec son Mari, qui me pria de dîner avec luy. Nous-nous promenâmes pendant ce temps-là dans son Jardin, & aprez avoir fait mener ses chevaux devant moi, nous remontâmes dans une Sale où le couvert étoit mis. Un moment aprez la Dame parut, entra, & aprez avoir salué à sa maniére, elle prit la place d’un côté de la Table[1], & nous de l’autre. On servit d’abord des Melons, des Raisins, des Pavies, & des Figues ; ensuite on nous donna chacun nos pitames à la manière des Moines, consistant en ce qui suit ; des cotelétes rôties dans le premier plat ; une perdrix & un pigeon aussi rôtis dans le second ; un lapreau en pâte dans le troisiéme, une fricassée de pou-

  1. Table séparée par dessous avec des planches, afin que les pieds des Conviez ne se touchent pas.