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rues, à visage découvert, en Carrosse, ou à pied, on s’arrête pour leur faire une révérence ; à quoy elles répondent par une inclination de teste, sans plier le genou. Leurs Ecuyers, qui sont des Vieillards hors de soupçon, leur donnent la main nue ; car c’est la mode Espagnole. Ce sont les seuls qui aïent l’avantage de toucher leurs mains, car quand un Cavalier se trouve par hazard dans une Eglise auprès du Bénitier, & qu’une s’y présente, il trempe son Chapelet dans l’eau benite, pour luy en offrir. Il en est de même à la dance, ce qui n’arrive guére souvent. Car le Cavalier & la Dame ne se tiennent que par les deux bouts d’un mouchoir. Vous pouvez juger de là combien le salut du baiser y paroît choquant. Il faut que je vous fasse conoître que les Espagnols ne sont pas si farouches qu’on le publie, en vous donnant en même temps un petit détail de leurs repas. Un Gentilhomme que je voïois trés-souvent chez le Viceroy, & dans les Académies, m’ayant honoré d’une visite, je répondis à son honnêteté de la même manière. Il me reçut au haut de l’escalier, & m’ayant conduit dans une Salle où nous-nous entretînmes une demi-heure, je y demandai comment se portoit son Epouse, mais il me répondit qu’il la croyoit en assez bonne santé pour nous recevoir dans sa Chambre. Aprez cela voyant paroistre le Chocolat & les biscuits, ce Gentilhomme se leva pour m’introduire dans