Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une si grande lenteur, qu’ils ne feroient pas le tour de la Ville dans le plus grand jour de l’Eté. La Mode d’aller en visite à Cheval est icy comme en Portugal, & les Gentishommes & les Officiers de guerre sont habillez à la Françoise ; ils trouvent que l’habit à l’Espagnole est insuportable, à cause de la Golilla, qui est une espèce de Carcan, où le cou se trouve tellement enchassé, qu’il est impossible de baisser ou de tourner la teste. L’habit des Femmes paroît un peu ridicule aux Etrangers, quoiqu’ils ne le sont pas dans le fond. Je trouve à l’heure qu’il est, celuy des nôtres cent fois au dessous ; les Espagnoles ne scauroient cacher aucun défaut de nature. Leur taille, leur grandeur, & leurs cheveux paroissent tels qu’ils sont ; car elles ne portent ni coeffes, ni talons, ni corsets de baleine. Si les Françoises étoient obligées de prendre cette mode-là, elles ne tromperoient pas tant de gens, par leurs tours de cheveux, leurs talons, & leurs fausses hanches. Il est vray qu’on pourroit un peu reprocher aux Espagnoles de montrer à découvert la moitié de leurs bras, & de leurs épaules ; mais en même temps il ne faudroit pas épargner les Françoises qui afectent d’étaler deux piéces plus tentatives & plus animées. Car dés qu’on alléguera que les unes scandalizent par derriére, on aura le même droit de répondre que les autres scandalizent par devant. Au reste, si les Femmes sont gênées, elles ont l’agrément d’estre fort considérées. Car dés qu’elles passent dans les