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du sur tous les Points dont il m’avoit interrogé, il jura sur son Dieu que j’étois Huguenot. C’est icy, Monsieur, où la patience pensa m’échaper, mais à la fin considérant que j’avois affaire à des Bêtes, je creus qu’il faloit aussi les traiter en Bêtes, il falut donc me résoudre à leur réciter des Litanies & les Vêpres du Dimanche. Cependant cela ne produisit pas l’effet que j’en attendois ; Car ils s’obstinoient toujours à me vouloir conduire à Pau. Aprez cela jugez de l’embarras où je me trouvois. Car cette infame Canaille disoit que les Pseaumes & les Litanies, étoient les premiéres priéres que les Huguenots aprenoient pour sortir du Royaume. J’avois beau dire que j’étois Ecuyer de Mr. Sablé d’Etrées, & que j’allois joindre cet Ambassadeur en Portugal. C’étoit clamare in Deserto. J’avois beau les menacer d’envoyer un Exprez à l’intendant de Pau, pour demander justice de l’affront qu’ils me faisoient, & de mon retardement. Tout cela ne les touchoit point. Enfin, aprez avoir bien réfléchi sur l’embarras où je me trouvois, je me résolus d’essayer tous les moyens qui peuvent ébloüir les ignorans, quoique la chose fût difficile, parce qu’ils se donnoient tous des airs de Docteurs. C’est icy où je dois prier Dieu qu’il bénisse l’inventeur du Tabac en poudre, car pendant que j’agitois mon esprit trois ou quatre heures avec ces Marauts, je ne faisois qu’en prendre sans m’en apercevoir. Or comme j’ouvrois ma Tabatiére à tout moment, un des plus traitables Païsans de la Compagnie