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avec un très-beau cheval qui m’a si généreusement retiré du bourbier. Il fut question de me lever au point du jour, & de me faire conduire par une porte de la Ville, qui me menoit à toute autre route que celle dont je vous parleray. Car, dez-que je fus sorti, je pris le chemin d’Orthez, évitant toutes sortes de Bourgs & de Villages, passant par des Landes, dans des Champs, dans des Vignes, & dans des Bois, en suivant de petits sentiers, couchant en des maisons écartées. Je n’avois d’autre guide que le soleil, & la veüe des Pirénées. Je demandois aux gens que je rencontrois dans mon chemin, quel estoit celuy de Pau, enfin, pour couper court, sans m’arrêter au récit de quelques rencontres, je vous diray que j’arrivay à Laruns le dernier Village de Bearn, situé, comme vous sçavez, dans la Vallée d’Ozao. Je ne fus pas plûtôt entré dans cet impertinent Village, qu’un tas de Païsans m’investit de tous côtez. Jugez, s’il vous plaît, si je n’avois pas raison de croire que le grand Prévôt n’étoit pas loin. Cependant je me trompai, car ces Coquins ne m’arrêtérent que parce que ma mine leur parut Huguenote. Ils me laissérent pourtant métre pied à terre, dans un Cabaret, que vous auriez pris pour l’Antichambre de l’enfer, tant il estoit obscur & plein de fumée. Ce fut là que le Curé prit la peine d’acourir pour m’interroger sur des matiéres de Religion. Ce fut aussi là où le connus que la plupart des Curez de Village, sçavent aussi peu ce qu’ils croyent, que leurs Paroissiens, car après luy avoir répon-