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tremblé, pâli, & sué de frayeur, à la veüe & au bruit d’un jeu de Fantômes vivans, qui prétendoient se divertir à ses dépens. Je conviens que cela peut arriver, puisque cela est déjà arrivé à des gens de courage. Mais cela provient de ce qu’ils ont donné dans les visions dez leurs plus tendres années, & qu’ils s’y sont toujours entretenus, sans se donner la peine de bien examiner s’il pouvoit y avoir des Spectres, ou non. Ils ont crû ce que les autres gens bornez croyent de la puissance du Diable, en un mot, ces gens-là ne craignent uniquement que leur imagination. C’en est fait, je m’arrête là, car le temps presse. Je dois travailler sans cesse à mes affaires. Dieu veuille que je ne trouve point de Chicaneurs en mon chemin, car on ne se tire pas si bien d’affaire avec eux, qu’avec les Sorciers & les Fantômes. Je vous demande une entreveue à Orthez. Les papiers qui accompagnent cette lettre vous diront le fait dont il est question. Je voy que ce Païs est bon, mais, entre nous, la monoye n’y galope guére, c’est ce qui ne m’accommode pas ; car on ne vit pas sans argent parmi les Européans, comme on fait parmi les Hurons de Canada. Je regréte ce Païs-là toutes les fois que la marée décend de ma Bourse, pour faire Place aux inquiétudes & aux soucis que j’ay pour la remplir de ce précieux métal, qui donne de la joye & de l’esprit, & toutes sortes de beaux ta-