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dans le paneau de leurs Enchantemens. Les devins sont ces fins Eeclésiastiques qui connoissant la foiblesse d’esprit de certains Richards leur extorquent des legs pieux, avec leur dextérité ordinaire ; & les Sorciers sont ces faux Monoyeurs dont nôtre Païs est assez fertile, aussi bien que de ces Rogneurs qui font la barbe si adroitement aux Piastres & aux Pistoles d’Espagne ; car c’est justement durant la nuit, & dans les lieux les plus cachez qu’ils font ces operations sabathiques. Je vous dis tout ceci pour en être bien informé. Aprez cela vous en croirez tout ce qu’il vous plaira. Je sçay que les Bearnois ont un peu de penchant à la superstition ; ils en sont redevables aux anciens Membres de leur Parlement, qui pousszz d’une cruauté pire que celle de Néron, ont fait brûler tant de pauvres malheureux Innocens. Si ces enragez Conseillers sont en Paradis, il est sûr que vous ni moy n’irons jamais en enfer. Croyez moy, tout homme qui sera capable de croire les chiméres dont il est question, ne hésitera pas à gober cent mille autres fables, dont les gens d’esprit se moquent fort sagement. Mon intention n’est pas de desabuser le Vulgaire ignorant, car ce seroit vouloir prendre la Lune avec les dents. Ce n’est qu’à vous à qui j’en veux ; car vous jurez (à ce qu’on dit) que tous les Chats de la Province ont l’honeur d’être animez par les ames de ces anciens Sorciers, dont les cendres ont servi si long temps aux Blanchisseuses de Pau[1] pour faire la lessive. Vôtre salut ne dépend pas de cette créance. Car ce n’est pas un Arti-

  1. Pau Capitale du Bearn Province de France.