Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Messie, les Demons étoient des Dieux bénins & Tutélaires, & ce mot de δαιμονία ne signifioit autre chose que les bons Genies. Mais les Evangelistes les ont rendus infernaux, en leur donnant l’épithete de κάκα, qui veut dire méchans. Ce qui fait que depuis ce temps-là les bons Diables sont devenus malins, selon le sens litteral. Vous voyez donc, Monsieur, que je ne m’obstine qu’à nier les Sorciers, les Magiciens, les Enchanteurs &c. Cela m’est d’autant plus facile que les Intreprétes de l’Ecriture sainte les appellent indiféremment Astronomes, Chiromanciens, & Astrologues. De sorte que par l’explication de ces mots sinonimes, ils n’ont jamais prétendu dire que ces gens-là fussent les Ecoliers du Diable ; ceci mériteroit une Dissertation fort étendue. Car la matière est un peu délicate. Je me contente de l’éfleurer en passant, sans m’arrêter plus long-temps à justifier des Criminels d’un Crime imaginaire, qu’il est impossible de commétre effectivement. Croyez moy, Monsieur, les Magiciens sont ces Filoux qui coupent adroitement la Bourse, & qui décrochétent les portes avec la même subtilité ; les Spectres, les Fantômes, les Lutins, les Farfadets & les Esprits sont ces Marauts de valets qui volent de nuit les fruits du jardin, le bled du grenier, l’avoine de l’écurie, qui caressent les servantes, & peut-être, la femme de leur Maître. Les Enchanteurs sont ces Coureurs de Ruelles, ces Soupirans en tître d’office, qui sous promesse de mariage, atrapent les sottes filles, qui donnent