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son Histoire de la Laponie ? Cela n’est-il pas étonant qu’on permet la lecture de ces livres ? N’y a-t-il pas des gens assez fous pour croire ces Chiméres, comme des articles de Foy ? Les desabuserez-vous, & vous sera-t-il possible de les persuader qu’il n’y a point de Noüeurs d’éguillete, d’Empsalmistes qui guerissent les playes par des paroles, de Vendeurs de Caractéres, qui par la vertu de certaines fioles, jarretiéres, &c. font des miracles de toutes especes ? Non, Monsieur, vous n’en viendriez jamais à bout. On vous prendroit pour un Hérétique ; ou tout au moins pour un Magicien, qui butteroit par cette finesse à mettre à l’abri des poursuites de vôtre Parlement toute la Confrairie Magique. Croyez moy, Monsieur, tout ce que je vous écris est positif, le Diable n’a pas le pouvoir de se manifester à nos yeux ; par conséquent il ne sçauroit nous attirer dans son parti, par des conventions de Magie, ou de sortilege ; cela repugneroit trop à la bonté de Dieu, qui ne tend point de pieges aux hommes deja sujets à tant d’égaremens, par leur propre misere. Mon intention, comme vous voyés, n’est pas de nier le Diable, car je croy qu’il est aux Enfers ; mais je nie qu’il ait jamais sorti de ce païs-là, pour venir faire du ravage en celuy-ci. Vous aurez beau m’alleguer les passages de l’Ecriture ; je vous répondray que si vous les preniez tous à la lettre, vous doneriez des pieds & des mains à Dieu, & même il faudrait que vous fissiez parler le St. Esprit comme un Iroquois. Il faut que vous scachiez qu’avant l’arrivée