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roit estre. Ne vous étonnés pas, Monsieur, de ce que je nie à cette heure les Magiciens, aussi bien que les Sorciers ; je le fais parce que, à mon avis, si l’on convenoit des uns, il faudroit convenir des autres. Il n’y a point d’homme au monde qui ne prenne Agrippa, pour le Prince des Magiciens ; cependant il ne l’estoit non plus que vous. Voici en quoy consistoit sa Magie. Ce Philosophe des plus habiles de son siècle ayant donné des preuves de son sçavoir, en présence de la Canaille de Lion, les Femmes en furent si charmées, qu’elles se servirent presque toutes de luy pour coëffer leurs Maris, il eut quelques Religieux Démonographes pour Rivaux, qui le mirent aussitôt à la tête des cinq Papes que le Cardinal schismatique Benno a eu l’insolence de traiter de Magiciens. Cependant, le Livre d’Agrippa fait autant d’impression sur l’esprit des sots, que le Grimoire, les clavicules, de que le Heptameron de Pierre d’Apono. Toutes ces chiméres viennent des impertinens Démonographes, qui ont rempli toute la terre d’illusions, par malice, ou par ignorance. Je ne sçaurois lire les Livres de Jean Nider, de Uvier, de Niger, de Sprenger, de Platine, de Tostat, & des Jésuites del Rio, & Maldonat, sans les maudire éternellement, car ils soûtiennent des absurditez si contraires à la Raison & à la sagesse de Dieu, que les Princes Chrestiens devroient faire une recherche de tous ces Exemplaires, pour les faire brûler par la main du Bourreau, sans épargner la Démonomanie de Jean Bodin, le Maillet