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quelle apparence y a-t-il que ces gens-là voulussent donner leur ame au Diable, pour les plaisirs imaginaires du sabat, pour empoisonner des Bestiaux, pour faire tomber des orages de grêle sur les bleds, pour élever des Vents furieux qui renversent les arbres, & les fruits ? Ne lui demanderoient ils pas plûtôt des richesses ? Car enfin, si le Diable a le pouvoir de bouleverser les Elemens, & d’interrompre le cours de la Nature, pourquoy n’auroit-il pas celui de tirer de l’or des Mines du Pérou, ou des Trésors de l’Europe, pour faire des pensions à tous ces Sorciers, qui sont gueux comme des Rats d’Eglise. Vous me répondrez que les piéces d’argent se convertissent dans les mains du diable en feüilles de Chêne ; or cette raison détruit le pouvoir qu’il a de faire tant de merveilles, & même celuy qu’il communique aux Sorciers. Mais supposons qu’il ne luy soit pas permis de manier de l’argent, ne pourroit il pas, étant aussi sçavant qu’on le fait, leur enseigner les moyens d’en aquérir dans le Commerce & dans les Jeux, leur indiquer les trésors cachez ou perdus par le naufrage des Vaisseaux, ou du moins leur donner le même secret qu’au Magicien Pasetes, qui faisoit revenir dans sa bourse l’argent qu’il avoit dépensé ? Vous trouverez des gens qui vous soûtiendront que le Diable s’est servi de la goetie très-long temps avant le Déluge, pour précipiter les peuples dans une idolatrie magique ; mais si vous menez ces Docteurs de conséquence en conséquence, il s’ensuivra que Dieu seroit d’une malice atroce ; ce qui ne sçau-