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Chrêtienne n’en sçauroit avoir. Tout ce que tu viens de me dire sont des rêveries effroyables. Le Païs des ames dont tu parles, n’est qu’un Païs de chasse chimérique : au lieu que nos saintes Ecritures nous parlent d’un Paradis situé au dessus des étoiles les plus éloignées, où Dieu séjourne actuellement environé de gloire, au milieu des ames de tous les fidèles Chrêtiens. Ces mêmes Ecritures font mention d’un enfer que nous croïons être placé dans le centre de la Terre, où les ames de tous ceux qui n’ont pas embrassé le Christianisme brûleront éternellement sans se consumer, aussi bien que celles des mauvais Chrêtiens. C’est une vérité à laquelle tu devrois songer.

Adario.

Ces saintes Ecritures que tu cites à tout moment, comme les Jésuites sont, demandent cette grande foy, dont ces bons Péres nous rompent les oreilles ; or cette foy ne peut être qu’une persuasion, croire c’est être persuadé, être persuadé c’est voir de ses propres yeux une chose, ou la reconoître par des preuves claires & solides. Comment donc aurois-je cette foy puisque tu ne sçaurois ni me prouver, ni me faire voir la moindre chose de ce que tu dis ? Croi-moy, ne jette pas ton esprit dans des obscurités, cesse de soûtenir les visions des Ecritures saintes, ou bien finissons nos Entretiens. Car, selon nos principes, il faut de la probabilité. Surquoy fondes-tu le destin des bonnes ames qui sont avec le grand Esprit au dessus des étoiles, ou celuy des mau-