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ser le mensonge. Ainsi, c’est insulter en forme la sagesse de Dieu, de prétendre qu’il arme l’Ennemi du Genre-humain contre les hommes. Il n’apartient qu’aux Cerveaux creux & propres à recevoir toutes sortes de révêries, de croire comme des Articles de Foy, la méchanceté des Sorciers, l’industrie des Magiciens, le pouvoir des Enchanteurs, l’apparition des Esprits, & la souveraineté du Diable, puis que tout cela ne se trouve que dans l’imagination des Fous & des Cagots. Il est bon que la populace se repaisse de ces chiméres ; les gens qui les prêchent y trouvent leur compte par tout païs ; faites un peu d’attention à ceci, & vous trouverez que j’ay raison. Il ne falloit autrefois qu’être Philosophe ou Mathématicien pour être Sorcier. Les sauvages croyent qu’une montre, une boussole, & mille autres machines sont meues par des Esprits. Car les peuples ignorans & grossiers se forment des idées extravagantes de tout ce qui surpasse leur imagination. Les Lappons & les Tartares Kalmoukes ont adoré des Etrangers, pour leur avoir vu faire des tours de gibeciére. Le mangeur de feu de Paris a passé très-long temps pour un Magicien. Les Portugais brûlerent un Cheval qui faisoit des choses merveilleuses ; & son Maître l’échapa belle, parce qu’on le croyoit un peu Sorcier. En Asie les Chimistes sont reputez empoisonneurs ; en Afrique les Mathématiciens passent pour des Enchanteurs ; en Amérique les Médecins sont regardez comme des Magiciens, & en quelques endroits de l’Europe ceux qui possedent la langue Hebraique sont acusez d’étre Juifs. Revenons aux Sorciers ;