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soient parler les Oracles, pour excroquer la bourse des hommes, & les cuisses des Femmes, il se trouvera cent ignorans qui ne le croiront pas. Croyez-moy, Monsieur, j’en demeure à ces anciens Prêtres, pour ne pas vous scandalizer par les industries des Modernes ; j’ay la Marmite du Pape trop en tête pour l’empêcher de boüillir ; car elle pourroit bien estre un jour ma derniére ressource, ainsi je dois me taire. Ceci mériteroit une Dissertation claire & distincte ; peut-être l’aurez vous de moy quelque jour. Cependant aprenez, s’il vous plaît, qu’un Esprit fort[1] ne sçauroit jamais se laisser persuader qu’il y ait des Sorciers &c. sur tout en considerant qu’ils sont tous gueux comme des Rats d’Eglise ; & comment est ce que ces Coquins auroient le courage de se fier à un Maître qui les laisse pendre & brûler, bien loin de leur enseigner des trésors cachez, & mille autres secrets dans le commerce du monde, qui pourroient les enrichir ? Comment peut-on croire, je vous prie, que Dieu donne le pouvoir à ces gens là d’exciter des tempêtes, de bouleverser les élémens ? On prétend que le diable les engage par des promesses, & qu’il fait des pactes avec eux sous seing privé ; si cela étoit-il s’ensuivroit que Dieu donne le pouvoir au Diable de séduire les misérables Mortels, ce qu’il ne sçauroit faire sans authori-

  1. J’appelle Esprit fort un homme qui aprofondit la nature des choses ; qui ne croit rien que ce que la raison a meurement examiné, & qui sans avoir égard aux préjugez, décide sagement les affaires dont il s’est éclairci à fond.