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guere passer des Carosses & des Chariots sans dépouiller les gens qu’ils y trouvoient. Je profitai de cet avis, & par ce moyen j’evitai ce qui n’eût pas manqué de m’arriver, si je l’eusse rejetté. Enfin, deux jours aprez mon arrivée à l’Isle, je pris le Carrosse qui part deux fois la semaine pour cette bonne Ville de Paris, où j’arrivay la semaine passée aprez avoir esté bien écorché par les impitoyables Hôtes de la route. Ils ne font non plus de quartier aux Voyageurs qui ne marchandent pas ce qu’ils mangent, que les Doüaniers de Perrone à ceux qui ne déclarent pas ce qu’ils portent. La visite qu’ils font est si exacte, que non contens de vuider les Cofres & les malles, ils fouillent les gens depuis la teste jusqu’aux pieds ; les femmes grosses leur sont si suspectes, qu’ils glissent quelquefois la main où l’on glisse autre chose. Et si quelqu’un porte du tabac en poudre, du Thé, des Etofes des Indes, ou des Livres de Hollande, tout son bagage est confisqué. Je ne fus pas plûtôt arrivé icy, que j’allay à Versailles, pour donner les lettres dont Monsieur de Bonrepaus m’avoit chargé. Les Persones à qui elles s’adressoient firent en vain tout ce qu’elles pûrent pour obtenir de M. de Pontchartrain que je justifiasse la conduite que j’avois tenue à Plaisance. Il leur répondit froidement, que l’esprit roide & infléxible du Roy ne recevoit jamais de justifications d’un Inférieur envers son Supérieur. Or cette réponse, qui ternit en quelque façon, l’éclat du mérite & la judicieuse conduite d’un si