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foüétée ; il s’agit, pour rendre justice aux uns & aux autres de céder aux François la sçience de bien parler, & aux Allemans celle de bien penser. Cette Dame n’en demeura pas là ; car ayant attaqué vigoureusement la fierté de la Nation, elle la traita de vaine & d’orgueilleuse, dont la présomption & la vanité sont les moindres défauts. Vous voyez par-là, Monsieur, qu’il falloit qu’elle eût été en France, & d’autant plus qu’elle sçeut fort bien me dire que les François insultoient les Allemans par ces proverbes ridicules. Cet homme entend aussi peu raison qu’un Alleman, il m’a fait une querelle d’Alleman. Il me prend pour un Alleman. Cette Femme est une bonne Allemande, pour dire qu’elle est sotte & naïve. Cependant ; je tâchois de la dissuader, en luy remontrant qu’elle devoit faire une grosse différence entre les François raisonnables & ceux qui sont assez fous de s’imaginer, qu’ils sont les modéles sur lesquels toutes les autres Nations doivent se former. Je la priai de se deffaire de ses préjugez, & de croire que les gens d’esprit font beaucoup d’estime des Allemans, dont on peut loüer le mérite, la probité, le bon sens, & la bonne foy. Effectivement, Monsieur, on ne peut refuser ces bonnes qualitez aux gens de quelque distinction parmi eux ; aussi l’étimologie du mot all qui signifie tout, & man qui veut dire homme, fait voir qu’ils sont propres à tout faire, comme les Jésuites, à qui l’on a donné cet tître de Jésuita omnis homo, ce qui fait, par une plaisanterie sophistique, que tous les Jésuites sont