Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le reste de ma vie. Car le temps change assez souvent trois ou quatre fois le jour, passant du froid au chaud, du sec à l’humide, & du clair à l’obscur. J’ay eû l’honeur de faire la révérence au Roi dans son Château de Frederisbourg, où il conféra l’Ordre de l’Elephant à quelques Princes d’Allemagne, par procuration. Cette Cérémonie, qui me parut tout à fait belle, y attira quantité de Personnes de distinction, entr’autres tous les Ministres étrangers, qui se firent un trés grand honneur d’y assister. Quelques jours après, ce Prince alla prendre l’air à Cronembourg, situé directement sur les rives du Détroit du Sund. La fortification de ce Château est réguliere, il est revêtu de brique, & garni d’un grand nombre de Couleuvrines de gros calibre, & de bonne longueur, qui défendent l’entrée de ce Détroit, auquel je puis donner 3500. pas géometriques de largeur. C’est à dire une grande lieüe de France. C’est un plaisir de voir entrer & sortir chaque jour une infinité de Vaisseaux, qui vont, & qui viennent de l’Ocean à la Mer Baltique. Et comme les Canons de Cronembourg sont les clefs de cette porte, il faut que tous les Bâtimens étrangers viennent indispensablement moüiller au Bourg d’Elseneur, pour y raisonner, avant que de passer outre. Vous me direz, peut-être, qu’une grosse Flotte de Vaisseaux de guerre n’auroit pas trop de peine à franchir ce passage, aux dépens de quelques Canonades, je l’avoüe, mais si l’Armée navale du Roy de Danemarc étoit moüillée dans ce Détroit, je suis persuadé qu’elle en