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l’Europe, & qu’il a moins dégénéré que les autres. Cela est si vray que de trente quatre Chevaliers, dont il est composé, les trois quarts sont Princes Souverains. L’Ordre de Danebrouc[1] est plus commun, & par conséquent moins considérable, quoique les Chevaliers qui sont revêtus de ce Colier joüissent de plusieurs prééminences & prérogatives tout à fait belles. Les Fils naturels des Rois de Danemarc ont les Titres de Gueldenlew[2] & de Haute Excellence, leurs Femmes sont pareillement distinguées par celuy de Haute Grace. Le Roy régnant en a deux, qui ont plus de mérite qu’on ne sçauroit dire ; l’Ainé sert en France avec tout l’aplaudissement imaginable. Le second qui n’a que quinte ans, & qui est icy, promet beaucoup, a de l’esprit infiniment, il est beau, bien fait, & de bonne mine ; en un mot, c’est un des Chevaliers les plus accomplis que j’aye vû de ma vie. Il est pourvû de la Charge de Grand-Admiral ; & ce qui vous surprendra, c’est qu’il entend mieux la construction des Vaisseaux, les Mathématiques, que les plus habiles Maîtres. Il y a deux Eglises Catholiques libres, permises, & publiques dans les Etats du Roy de Danemarc ; l’une à Glucstat & l’autre à Altena. L’air de ce Païs est fort sain pour les gens sobres, & très-contraire à ceux qui n’ont pas l’esprit content ; On ne connoit icy d’autre maladie que celle du Scorbut. Les Médecins en atribuent la cause à l’air salé, & chargé d’une infinité de vapeurs de

  1. Danebrouc, signifie l’Ordre blanc.
  2. Gueldenlew, signifie Lion d’or.