Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traits de la médisance, qui régne autant icy qu’ailleurs, elles ne font rien qui vaille ; car enfin elles ont plus de sagesse & de vertu qu’il n’en faut pour essuyer des escarmouches de soupirs sans s’émouvoir. Au reste on les voit assez souvent chez Monsieur de Gueldenlew, Viceroy de Norwegue, & Frère naturel du Roy. Ce Seigneur, qui est un des plus magnifiques de l’Europe, se fait un plaisir de faire donner tous les jours une grosse Table de 18. Couverts où ces Dames sont aussi bien reçeues que les Cavaliers de distinction, lesquels aprez le repas ont acoustumé de faire des parties de jeux, ou de promenade avec elles. On trouve la même chére & la même Compagnie chez Mr. le Comte de Revenclau, qu’on tient icy pour un des plus zelez & des plus habiles Ministres du Roy. Ces repas sont un peu trop longs pour moy, qui suis acoutumé de dîner en poste, c’est à dire en cinq ou six minutes, car ils durent ordinairement deux heures. Les mets excellens qu’on y sert en profusion ont dequoy satisfaire le goût, la veüe, & l’odorat. Ces Tables ne diférent en autre chose des meilleures de nôtre Cour, si ce n’est qu’on y sert de grandes piéces de bœuf salé. Dont il me semble que les Danois auroient tort de manger avec tant de plaisir, s’ils n’avoient pas le soin de chasser du gosier la salive de cette viande avec l’agréable liqueur du bon homme Noé. Parmi les differentes sortes de vin qu’on y boit, ceux de Cahors & de Pontac sont les seuls dont un François se puisse ac-