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gers, il arrive toûjours quelque désordre, qui se termine de cette maniere. Autrefois les Danois, les Suédois, & les Allemans accouroient en ces lieux-là, quand il s’agissoit de terminer les démêlez qui arrivoient entr’eux dans leur païs, où les duels sont étroitement défendus. Mais leurs Souverains ont mis ordre à cela, par la Déclaration qu’ils ont faite de les punir à leur retour, avec autant de sévérité, que s’ils se fussent battus dans leurs Etats.

Je partis de Hambourg aprez y avoir séjourné cinq ou six jours ; & me servant du Chariot de Porte qui va journellement à Lubec, dont chaque place coûte un écu & demi, j’arrivay le même jour dans cette Ville là. Dez-que nous arrivâmes aux portes, on nous demanda qui nous étions. Chacun dénonça franchement son Païs & sa profession ; mais la crainte d’estre arrêté m’empêcha d’estre aussi sincére que les autres Passagers. Je fis un peu le Jésuite dans cette rencontre-là, car je fus obligé de dire, en dirigeant mon intention, que j’estois Marchand Portugais, ce qui fit que j’en fus quitte pour être appellé Juif ; ensuite on nous laissa passer sans faire la visite de nos Cofres. La Ville de Lubec n’est pas si grande, ni si peuplée que celle de Hambourg, mais les rues sont plus larges & plus droites, & les maisons, plus belles. Les Vaisseaux sont rangez à côté les uns des autres, le long d’un beau quay, qui régne d’un bout de la Ville à l’autre, sur une Riviére si étroite, qu’elle est, à mon avis, plus profonde que large ; son