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que de miséricorde. Cependant, la visite de nôtre Vaisseau ne pouvant se faire qu’à la rade de Garnezei, on l’y conduisit le même jour ; & dez-que nous eûmes tous moüillé l’ancre, les deux Capitaines Anglois descendant à terre envoyèrent des Visiteurs à nôtre Bord, pour tâcher d’avérer si les vins & les eaux de vie de nôtre cargaison étoient du cru de France, ou pour le compte des François ; ce qu’il fut impossible de prouver, aprez quinze jours de recherche & de perquisitions, comme je l’apris hier à Lubec. Il est question de vous dire que ce fâcheux contretemps me fit résoudre à m’embarquer cinq ou six jours aprez dans une Frégate Zélandoise, de Zériczée[1], aprez avoir fait présent au Capitaine Tonzein de quelques Barrils de vin d’Allegréte, d’une Caisse d’oranges, & de quelque vaisselle cizelée d’estremos[2], en reconnoissance de sa bonne chére & du bon traitement qu’il daigna me faire à son Bord, comme à terre. Ce second embarquement me fut plus favorable que le premier ; car j’arrivay le 3. jour de navigation à Zériczée, d’où je m’embarquay dans une Semaque de passage qui me porta jusqu’à Roterdam entre les Iles, à la faveur du vent & des marées. Cette derniére Ville est grande, belle, & trés marchande ; j’eus le plaisir de voir en deux jours le Collège de la Meuse, les Arse-

  1. Ville des Zélandois.
  2. Ville presque frontière de Portugal à l’Estramadure.