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l’enfer. Enfin nous gagnâmes le Cap de Finistere aprés 18. ou 20. jours de Navigation. Ensuite, les vents s’étant rangez au Sud-Ouest, nous en profitâmes si bien qu’au bout de 10. ou douze jours nous reconûmes l’Ile de Garnezei ; il est vray que sans le Pilote François qui conduisoit le Navire, nous eussions donné plusieurs fois aux Côtes de la Manche[1]. Car il faut que vous sachiez que les Portugais ne connoissent point cés Terres, par le peu d’habitude qu’ils ont dans les Mers du Nord. Ce qui fait qu’ils sont obligez de se munir en Portugal de Pilotes étrangers, lorsqu’ils s’agit d’aller en Angleterre ou en Hollande. Le jour que nous découvrîmes cette Ile, deux gros Vaisseaux Anglois chassant sur nous à pleines Voiles, gagnèrent nôtre bord en trois ou quatre heures. L’un étoit de guerre du port de 60. Canons, & l’autre un Capre de 40. piéces, dont le Capitaine nommé Couper, avoit aussi les inclinations naturelles de couper les bourses ; comme vous verrez. Ils ne furent pas plûtôt à bord de nôtre Vaisseau, qu’il falut amener & mettre la Chaloupe à l’eau ; ce qui fit que je m’embarquay pour porter au Commandant, apellé Mr. Tonzein, le passeport du Résident de Hollande, que je pris à Lisbonne. Celui-ci me fit toutes les honêtetez possibles, jusque-là qu’il me jura que toutes mes hardes seroient à l’abri de la rapine du dit Couper, qui, selon les principes des gens de son mêtier, prétendois me piller, avec aussi peu de scrupule

  1. Ou Canal Britannique.