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rions pû passer entre ce même Banc & le Fort saint Julien, situé du côté du Nord ou de Lisbone, vis à vis de celui de Bougio, si nous eussions eû des Pilotes du lieu ; mais comme nôtre Capitaine Portugais suivoit la Flotte dont je vous parle, il éstoit inutile de chercher cette derniere route. Nous ne fûmes pas plûtôt au large en pleine mer, au milieu de cette Flotte du Nord, que le brutal Commandant qui la convoyoit, arrivant sur nous à pleines voiles envoya un coup de Canon à boulet à l’avant de nôtre Vaisseau, & qu’il détacha son Lieutenant pour signifier à nôtre pauvre Patron qu’il eût à payer sans cesse deux Pistoles pour la canonade, & à s’éloigner aussitôt de sa Flotte, à moins qu’il ne voulût payer cent Piastres pour le droit d’escorte ; ce qu’il refusa de très bonne grace. Laissons cette affaire à part, afin de vous dire que la barre de Lisbonne est inaccessible pendant que les gros coups de vent d’Ouest & de Sud-Ouest souflent avec impétuosité : Ce qui n’arrive ordinairement qu’en hyver. Ajoûtons à cela que les vents de Nord & de Nord-Est y régnent huit mois de l’année, avec assez de modération. Ce qui fut cause que nôtre navigation, depuis l’embouchure du Tage jusqu’au Cap de Finisterre, fut plus longue que celle qu’on fait le plus souvent de l’Ile de Terre-Neuve en France. Je n’ay jamais vû de vens plus obstinez que ceux-là. Cependant nous en fûmes quittes pour lauvoyer le long des Côtes, dont nos Portugais n’ozérent s’éloigner à cause des Salteins qu’ils craignent plus que