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MONSIEUR,



JE partis de Lisbone le 14. d’Avril, aprez avoir fait marché avec un Capitaine de Vaisseau Portugais, qui s’engagea de me porter à Amsterdam, pour trente Piastres. J’eus en même temps la précaution de me pourvoir d’un Passeport du Résident de Hollande, afin qu’on ne m’arrêtât pas en passant dans ce païs-là. Je décendis ensuite en bâteau jusqu’au lieu nommé Belin, qui n’est éloigné de Lisbonne que de deux lieües seulement. C’est dans ce petit Bourg que tous les Vaisseaux Marchans qui vont & qui viennent, sont obligez de raisonner[1] au grand Bureau, d’y porter leurs Factures, & leurs Connoissemens afin de payer les droits de leurs Cargaisons. Le 16. nous sortîmes de la Riviere du Tage, en suivant le scillage d’une Flotte de la Mer Baltique éscortée par un Lubekois nommé Creuger anobli par le Roy de Suéde, quoiques matelot d’origine, & qui montoit alors un Vaisseau de guerre Suédois de 60. Canons. Nous passâmes la barre par le grand Chenail, appellée la grande Passe[2], située entre le fort de Bougio & les Cachopas qui est un grand Banc de sables & de roches de trois quarts de lieües de longueur, & d’une demie de largeur ; sur lequel il est dangéreux d’être porté par les marées, lors qu’il fait calme. Vous remarquerez que nous au-

  1. C’est à dire de montrer leurs Passeports, & leurs Connoissemens.
  2. Passe c’est un Chenail ou passage entre deux Bancs ou deux Iles, &c.