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si bonne grace que le sang rejaillissoit sur le visage des Femmes, qui étoient assises le long des Rues, exprez pour chanter poüille aux moins ensanglantés. Ils étoient suivis d’autres Masques portant des Croix, des Chaînes, & des faisseaux d’Epées d’une pesanteur incroyable. Les Etrangers sont presque aussi jaloux que les Portugais. Ce qui fait que leurs Femmes craignent de se montrer aux meilleurs amis de leurs Epoux. Ils affectent de suivre la sévérité Portugaise avec tant d’exactitude, que ces Captives n’ozeroient lever les yeux. Cela n’empêche pas que le malheur, dont ils tâchent de se préserver, ne leur arrive souvent, malgré leurs précautions. On voit icy des gens de toutes sortes, de couleurs, des noirs, des mulâtres, des bazanez, des olivâtres. Mais la plûpart sont Triquenhos c’est à dire de la couleur de bled. Ce mélange de teints différens fait voir que le sang est si mêlé dans ce Royaume, que les véritables blancs y sont en trés-petit nombre. Ce qui fait qu’on ne sçauroit plus noblement exprimer, Je suis homme ou femme d’honeur, qu’en ces termes, eu son Branco ou Branca qui signifie, je suis blanc ou blanche. On peut marcher dans la ville nuit & jour, sans craindre les filoux. On trouve, jusqu’à trois ou quatre heures aprés minuit, des joueurs de Guitarre, qui joignent à la douceur de cet Instrument des airs aussi lugubres que le de Profundis ; Les danses du menu Peuple sont indécentes par les gestes impertinens de la teste & du ventre. La Musique instrumentale des Portugais choque