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de se mettre en pension chez quelque Marchand François. On peut faire ici trés-bonne chére un peu chérement. La volaille Dalemtejo, les liévres, les perdrix de St. Ubal & la viande de boucherie des Algarves sont d’un goût merveilleux. Les jambons de Lamego sont plus exquis que ceux de Mayence & de Bayone ; cependant cette viande est tellement indigeste pour l’estomac des Portugais, que sans la consomption qui s’en fait chez les Moines, & chez quelques Inquisiteurs, on ne verroit guére de Cochons en Portugal. Les vins ont du corps & de la force, sur tout les rouges, dont la couleur va jusqu’au noir. Ceux d’Alegréte & de Barra à Burra sont les plus délicats & les moins couverts. Le Roy n’en boit jamais ; les gens de qualité n’en boivent presque point, non plus que les Femmes. La raison de ceci est que Venus a tant de pouvoir en Portugal, qu’elle a toûjours empêché, par la force de ses charmes, que Bacchus prît terre en ce pais-là. Cette Déesse y cause tant d’idolatrie, qu’elle semble disputer au vray Dieu le culte & l’adoration des Portugais, jusques dans les lieux les plus sacrez. Car c’est ordinairement aux Temples & aux processions que les engagemens se font, & que les rendez-vous se donnent. Ce sont les postes des Bandarros[1], des Courtisanes & d’autres Femmes d’intrigue secréte, qui ne manquent jamais de courir aux Fêtes qu’on cé-

  1. Ce sont des fanfarons du génie de Don Guichot, qui ne font autre mêtier que de chercher des avantures.