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pour la selle, ainsi que les Mulets de charge & les Chevaux d’Espagne, sont de cent pour cent plus chers qu’en Castille. Les jeunes Cavaliers se proménent à cheval dans la Ville, quand il fait beau temps, exprés pour se faire admirer des Dames, qui, comme les Oiseaux de cage n’ont que la seule liberté de regarder par les trous des Jalousies[1], les gens qu’elles souhaiteroient attirer dans leur prison. Les Moines rantés ne font presque point de visite à pied : car leur Couvent entretient une certaine quantité de Mulets de selle, dont ils se servent alternativement. Il n’est rien de si plaisant que de voir caracoler ces bons Peres dans les rues avec de grands Chapeaux en pain de sucre, & des lunétes qui leur couvrent les trois quarts du visage. Quoique cette ville soit trés grande, & trés marchande, il n’y a cependant que deux bonnes Auberges Françoises ou l’on mange assez proprement, à trente & cing sols par repas. Je ne doute pas que le nombre n’augmentât si lesPortugais vouloient donner dans le plaisir de la bonne chére ; alors ils ne mépriseroient pas comme ils font, ceux qui la recherchent avec empressement. Ils ne se contentent pas d’avoir en horreur les mets d’un Traiteur, le nom de Cabaret leur est encore si odieux, qu’ils ne rendent jamais de visite aux gens qui campent dans cette Habitation charmante ; sur ce pied-là, Monsieur, vous pouvez conseiller à vos Amis qui seront curieux de voyager en Portugal, & qui voudront faire quelque séjour dans cette Ville,

  1. Fenestres à treillis, de l’ouverture du petit doigt.