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autant de risque de brûler que celuy qui l’écrit. Ce n’est donc pas sans raison que je prens la liberté de garder le silence ; d’autant plus que les Titulaires du Royaume qui sont presque tous Familiers[1] de ce saint Office, n’ozeroient eux-mêmes en parler. Il y a quelques jours qu’un sage Portugais m’informant des mœurs & des maniéres des Peuples d’Angola & du Brezil, où il avoit été plusieurs années, se faisoit un plaisir d’écouter à son tour le récit que je luy faisois des Sauvages de Canada ; mais lorsque j’en vins à la grillade des prisonniers de guerre qui tomboient entre les mains des Iroquois, il s’écria d’un ton furieux, que les Iroquois de Portugal étoient bien plus cruels que ceux de l’Amérique ; puisqu’ils brûloient, sans misericorde, leurs parents, & leurs amis, au lieu que les derniers ne faisoient endurer ce suplice qu’aux cruels ennemis de leur Nation. Les Portugais avoient autrefois une telle vénération pour les Moines, qu’ils se faisoient un scrupule d’entrer dans la Chambre de leurs Epouses, pendant que ces bons Péres les exhortoient à toute autre chose qu’à la pénitence. Mais il paroît aujourd’hui que cette liberté ne subsiste plus. Il faut avoüer aussi que la plupart ménent une vie si déréglée qu’ils m’ont scandalizé cent fois par leurs débauchés extraordinaires. Ils se servent des permissions du Nonce du Pape pour exercer toute sorte de libertinage. Car ce Ministre Papal, dont le pouvoir est sans bornes envers les Ecclésiastiques, leur permet, au refus de leurs

  1. Chevaliers craintifs.