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cens Reis, qui font un nombre de piéces capable de surprendre tout d’un coup des gens qui ne sçauroient pas que ce ne sont que des deniers. Or comme c’est de cette maniere-là que les Portugais font tous leurs comptes, il faut vous expliquer qu’un Reis n’est autre chose qu’un denier, & que cette nombreuse quantité de piéces se réduit simplement à 25. Piastres. Sur ce pied-là mon Litérier s’obligea de me rendre à Lisbone le 9me. jour de marche, quoi qu’il deust s’écarter deux ou trois lieües de la route, pour satisfaire la curiosité que j’avois de passer à Aveiro, où j’arrivay le lendemain. Cette Bicoque est située sur les rives de la mer, & d’une petite Riviére de barre, où les Bâtimens qui ne callent[1] que 8. ou 9. pieds, entrent de pleine mer sous la conduite des Pilotes costiers. Elle est fortifiée à la Moresque, comme celle de Porto. Il s’y fait une assez grande quantité de sel pour en fournir abondamment deux ou trois Province ; On y voit un trés-beau Monastére de Religieuses qui font leurs preuves d’ancienne noblesse & d’origine Christiaon veilhos[2]. La campagne est charmante jusqu’à trois lieues vers l’Orient, c’est à dire jusqu’au grand chemin de Lisbonne, qui est borné par une chaîne de Montagnes de Porto jusqu’à Coimbre. J’entray le 14. dans cette derniere ville, & voulant voir l’Université, mon Literier m’assûra que cette curiosité me coûteroit un jour de

  1. Caller, c’est enfoncer dans l’eau.
  2. C’est à dire de vieux Chrêtien. Grand Titre d’honneur dans ce Païs-là, par sa rareté.