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ils veulent sur leur valize, qui est soûtenue sur deux cerceaux de fer, vers le pomeau des sélles du Païs, dont la dureté n’acomode pas les gens aussi maigres que moy. Au reste, le chemin, quoique pierreux, est assez bon, le terrain est égal, le païsage riant, & la coste de la mer ornée de quelques gros Villages, dont les principaux sont Exposende, Faons, & Villa de Condé. En arrivant à Porto, mon Guide me logea dans une Auberge Angloise, qui est la seule dont on se puisse accommoder. Cette ville-là est remplie de Marchans François, Anglois & Hollandois, à cause de l’avantage qu’ils retirent du commerce ; quoique les derniers soient assez accoûtumez à faire de grandes pertes, depuis le commencement de la guerre, par l’inhumanité de nos Capres, qui ne se font pas de scrupule de prendre leurs Vaisseaux. Porto est bâti sur la pente d’une Montagne assez escarpée, au pied de laquelle on voit couler la Rivière de Duero, qui se déchargeant une lieüe plus bas dans la Mer, passe sur une Barre[1] située

  1. Barre est à proprement parler un banc de sable, qui traverse ordinairement l’entrée des Riviéres, qui ne sont pas assez rapides pour repousser dans la Mer les sables que les vagues y accumulent, lorsque les vents du large souflent avec impétuosité. Toutes les barres peuvent estre appelées bancs de sable, car je n’ay jamais oüy dire qu’il y ait au monde aucune barre de chaîne de Rochers. Or comme ces sables s’élèvent vers sa surface de l’eau comme un petit côteau dans une plaine, les Vaisseaux n’y sçauroient passer qu’au temps de la pleine mer, parce qu’alors ils trouvent assez d’eau pour flotter au dessus.