Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne les secouroient. Il y a un très-bon Château sur le bord de la Mer, fortifié selon les régies de Pagan. Il est garni de plusieurs grosses Couleuvrines, qui mettent à couvert des Salteins les Batîmens qui moüillent à la Rade[1] où l’on est à l’abri des 14. vents contenus entre le Nord & le Sud, vers la bande de l’Est. La Rivière est un Havre de Barre[2] dans lequel on ne sçauroit entrer sans la conduite des Pilotes de la ville, qu’on fait venir à bord par le signal du Canon & du Pavillon en Berne[3]. C’est toûjours à l’instant de la pleine mer que les Vaisseaux se présentent devant cette Riviére, dans laquelle ils asséchent ensuite toutes les marées, à moins qu’ils ne soient placez à la fosse qui conserve, pour le moins, 8. ou 10. brasses d’eau de basse Mer. Le 4. de février ayant loué deux mules, l’une pour moy, l’autre pour mon Valet, sur le pied de trois piastres d’Espagne, je piquay de si bonne grâce que j’arrivay le soir à Porto, quoique cette journée soit de 12. lieuës, d’une heure de chemin. Ces Animaux amblent vîte & legérement, sans broncher, ni fatiguer ceux qui les montent. Les Cavaliers ont la commodité de s’appuïer, quand ils

  1. Rade, moüillage prés des Côtes, où l’on est à couvert des vents qui viennent de ces Côtes.
  2. Havre de Barre, Port où l’on ne peut entrer qu’au temps de la pleine mer, parce que les Vaisseaux trouvent alors assez d’eau pour passer sur les sables, ou sur les fonds plats, sans échouer ni toucher. Bayone, Bilbao, Stena, Vianne, Porto, Aveiro, Mondego, Lisbone & Salé sont tous des Havres de Barre.
  3. Pavillon en berne, c’est le tenir frelé, ou pendant en monceau du haut en bas.