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dario, le putanisme de tes Hurones couvert d’un manteau d’honnête conversation, & d’autant plus que quelque indiscrétion que puissent avoir les Amans envers leur Maîtresses, (ce qui n’arrive guéres) bien loin de les croire, on les traite de jaloux, qui est une injure infame parmi vous autres. Aprez tout ce que je viens de dire, il ne faut pas s’étonner, si les Americaines ne veulent point entendre parler d’amour, pendant le jour, sous prétexte que la nuit est faite pour cela. Voilà ce qu’on appelle en France cacher adroitement son jeu. S’il y a de la débauche parmi nos Filles, au moins il y a cette diférence que la régle n’est pas générale, comme parmi les vôtres, & que d’ailleurs elles ne vont pas si brutalement au fait. L’amour des Européanes est charmant, elles sont constantes & fidéles jusqu’à la mort ; lorsquelles ont la foiblesse d’accorder à leurs Amans la derniére faveur, c’est plûtôt en vertu de leur mérite intérieur, qu’extérieur, & toûjours moins par le desir de se contenter elles-mêmes, que de donner des preuves sensibles d’amour à leurs Amans. Ceux-ci sont galans, cherchant à plaire à leurs Maîtresses par des maniéres tout à fait jolies, comme par le respect, par les assiduitez, par la complaisance. Ils sont patiens, zelés, & toûjours prêts à sacrifier leur vie & leurs biens pour elles ; ils soupirent long-temps avant que de rien entreprendre. Car ils veulent mériter la derniére faveur par des longs-services. On les voit à genoux aux pieds de leurs Maîtresses mendier le privilége de leur baiser la main.